Historique

« Le Dolaison d’abord rivière de plateau, puis torrent lorsqu’il s’enfonce entre des rives couvertes d’arbres aux mille verts, si touffus, si pressées dans leur rapide descente qu’ils couvrent à demi l’eau claire s’enfuyant, par chutes et cascades, tout en bas, vers son aboutissement… »
Élisabeth Reynaud
Mortes Pierres, Lionel Bourg

Située à quelques kilomètres du Puy-en-Velay, préfecture de Haute Loire, la commune de Saint-Christophe-sur-Dolaizon s’étend sur une superficie de 2734 hectares et compte une population de 957 habitants à une altitude moyenne de 900 mètres.

Ses principales curiosités sont l’église romane du XIème siècle et le château du XVIème siècle (propriété privée). Saint-Christophe-sur-Dolaizon est la troisième commune traversée par la Via Podiensis du Pèlerinage de Saint-Jacques-de-Compostelle. La validation du crédential peut se faire à la mairie, aux heures d’ouverture.

Sur une carte, la commune (2734 hectares) dont les limites ont été officialisées en 1790, se présente comme une feuille dont le pétiole s’enfonce entre les communes de Ceyssac et de Vals et dont le limbe irrégulièrement dentelé est limité par les communes du Puy, de Cussac, Solignac, Cayres, Séneujols et Bains.

Vaste plateau hérissé de six gardes, St Christophe s’agrémente des vallées du Dolaizon et de la Gazelle, dans lesquelles se rassemblent presque toutes les eaux de la commune. Neuf cent vingt-sept habitants vivent à St-Christophe dans un environnement agréable, entretenu par la municipalité et les agriculteurs qui, encore nombreux, pratiquent la polyculture et l’élevage. Le volcanisme est présent partout à St Christophe, et un promeneur curieux remarque aisément la pouzzolane rouge ou grise des chemins, les terres rouges et noires à la fois, les belles pierres noires basaltiques des bâtiments souvent éclairées par des brèches volcaniques aux teintes variées. St Christophe se trouve sur le plateau du Devès, le plus grand spécimen basaltique d’Europe et l’un des plus épais. Volcans et fissures éruptives ont formé cette carapace sur l’ancien sol granitique, de – 4 500 000 ans à – 600 000 ans avant notre ère. Les gardes, cônes stromboliens édifiés par l’accumulation des scories, se présentent essentiellement sous forme d’un matériau poreux, la pouzzolane, rouge ou noire selon les oxydes de fer présent.

Le volcanisme a marqué le paysage, mais a aussi façonné la vie des hommes de St Christophe depuis des temps très reculés. Les plus anciens habitants connus seraient des populations chasséennes du Néolothique. Elles vivaient vers – 5 000 ans avant notre ère, dans les deux vallées citées ci-dessus, habitaient vraisemblablement dans des abris sous roche ou grottes situés dans la partie haute des versants, cultivaient la terre, pratiquaient l’élevage, et fabriquaient des poteries décorées après cuisson de motifs géométriques.

A Saint-Christophe, le nom, les identités successives, le paysage, le sol et l’histoire constituent une part importante de l’héritage commun, mais nous n’oublions pas l’église, les châteaux, le patrimoine du quotidien, ce dernier déjà largement restauré ou en passe de l’être. Ainsi la restauration des lavoirs du bourg et de Dolaison, des toitures des fours à pain de Tallode et de la Roche, ou de la chapelle Sainte Philomène à Tallobre est programmée.

L’église est mentionnée dès 1161 (Hospitaliers du Puy) puis en 1204 (Templiers du Puy). L’extérieur de cet édifice attire d’emblée par le chaud coloris de ses brèches volcaniques qui s’harmonise fort bien avec le gris de la toiture, et par le pittoresque de sa muraille sud avec trois enfeux (niches funéraires) et la belle porte que l’on devine, qui conduisait dans l’ancien cimetière. Son clocher-mur peigne à quatre baies et trois cloches, et sa tour extérieure sont d’autres éléments intéressants.

Église de Saint-Christophe

Cette église, d’après N. Thiollier  » Eglises Romanes du Velay » est construite « sur un plan que l’on trouve rarement dans la région, qui comprend une nef, un transept peu proéminent non pourvu d’absidioles, et une abside prenant naissance sur le transept, ; sans l’intermédiaire d’une travée de chœur. La nef voûtée, en berceau brisé, comprend deux travées (…). Le transept s’ouvre sur la nef par une arcade soutenue d’un côté par des colonnettes, de l’autre par le mur (…). L’abside est de même largeur que la nef. Elle est circulaire à l’extérieur (…). La façade de l’Église a été remaniée. On a conservé deux gargouilles que l’on a eu soin de placer sur les à-côtés à moitié hauteur du monument, et le campanile, refait ou construit en 1737 … ». A l’intérieur de l’église, on remarque l’architecture, mais aussi l’autel et son rétable en bois sculpté et ouvragé, admirables, récemment réalisés (1984) à partir du mobilier du XVIIIe siècle. Le nouvel autel porte sur le devant un médaillon central à l’effigie de saint Christophe, traversant le gué avec l’Enfant Jésus sur ses épaules, sous le regard de deux angelots situés à droite et à gauche.

La balustrade de la tribune est quant à elle singulière : c’est l’ancienne table de communion en fer forgé, datant de 1785. Derrière le retable, on peut voir, à travers les barreaux de la porte de la sacristie, de très belles statues et croix.

Le château de Saint-Christophe, quant à lui, apparaît dès le XIVe siècle dans divers documents. Au XVIe siècle, les guerres de Religion ravagent le Velay, et en 1589, le château est assiégé et incendié. Depuis, remanié et restauré plusieurs fois, il est passé aux mains de différents propriétaires. Son architecture est simple: de plan carré, il est flanqué de deux tours d’angle à l’avant. Le portail du mur d’enceinte est surmonté d’un fronton triangulaire percé de trois jours allongés.
Du château de Tallobre, il ne reste qu’une petite partie.

Modestes monuments, les croix sont nombreuses dans la commune. Ouvragées ou non, dans les villages, au bord des chemins, aux carrefours, au cimetière, elles témoignent de la ferveur religieuse des anciens. La grande croix de la place de l’église est vraisemblablement une croix de mission (monument de commémoration d’une mission catholique : un religieux, assez souvent extérieur au diocèse, venait dans la paroisse une quinzaine de jours, organiser avec le curé des moments forts – réunions, messes, prédications – pour convertir et approfondir les connaissances religieuses).

Grotte de la Roche

Plusieurs grottes sont connues, notamment dans le secteur de la Roche et de son moulin, ainsi que dans les deux vallées du nord-est de la commune. D’autres existent aussi à Cereyzet, qui comptent parmi les plus vastes de la Haute-Loire: récentes, elles ont été creusées de main d’homme pour en extraire de la pouzzolane, et les agriculteurs les utilisent encore comme remises. L’une d’elles fournissait une magnifique pierre rouge, très dure, utilisée en construction.

Enfin, du petit patrimoine quotidien, restent de nombreux éléments : le métier à ferrer les bœufs ou les vaches, ou travail, le lavoir, l’abreuvoir, constitué d’un ou plusieurs bacs, les bachas, généralement réservés aux bêtes, les puits et fontaines, fournissant l’eau avant qu’elle ne coule « au robinet » vers 1958 – 1960.

Eléments remarquables également, les linteaux de portes, souvent en belle pierre volcanique ou en arkose, portant parfois des inscriptions sculptées, souvent la date d’origine du bâtiment (ainsi, 1641 : pour l’étable d’une très ancienne maison située près de la cure dans le bourg).

Autre élément de la vie d’autrefois, le four à pain, qui, préchauffé avec des fagots de pin, cuisait cette pâte précieuse, préparée dans la maie, et façonnée dans des paniers ronds ou paillas.

Les eaux du Dolaison ont fait tourner de nombreux moulins depuis le XIIIe siècle. De ses pourvoyeurs en farine, il reste, parmi les derniers qui ont broyé du grain, deux moulins en ruines, l’un en aval du pont et de la cascade de la Roche, l’autre à Dolaison, et trois moulins aux bâtiments en bon état, au Moulin de la Roche, et, à Dolaison, à l’entrée nord-est et près du lavoir. Ils ont cessé de tourner dans les années cinquante, et beaucoup se rappellent des va-et-vient des agriculteurs, meuniers et boulangers. Le système d’échange pain contre grain était le suivant : « 100 kilos de grain donnant 100 kilos de pain, celui qui portait 100 kilos de grain au moulin avait droit à 75 kilos de pain. Celui qui désirait ses 100 kilos de pain devait payer le moudre au meunier et la cuisson au boulanger pour un peu de monnaie… »

L’assemblée et son clocheton, aussi… D’une quarantaine de mètres carrés au sol, elle comprenait la salle commune au rez-de-chaussée et le domicile de la Béate au premier étage. A la fois école, lieu d’accueil et de prière, elle a permis aux Béates de jouer un très grand rôle social dans les villages jusque dans les années 1940.

Au-delà de ce raccourci concernant le patrimoine de St-Christophe, le lecteur est invité, pour mieux comprendre la vie des Christophoriens (c’est pour au moins deux raisons que ce mot peut désigner les habitants de St Christophe: premièrement, Christophe vient du grec Kristophoros – porte-Christ -, et deuxièmement, Christofore ou Christophore est l’un des noms les plus cités pour désigner la localité de 1161 à 1516), pour mieux appréhender l’ héritage commun que ces derniers ont reçu de la nature et de leurs ancêtres, à parcourir la commune en observateur patient, à rencontrer les gens et les choses.

Jean-Georges CHAPPUIS